Champblanc, un site paléontologique exceptionnel

Berceau de l'entreprise Garandeau, la carrière de Champblanc à Cherves Richemont est l'un des rares sites d'extraction du gypse dans le sud-ouest de la France. Il approvisionne en matière première l'usine Placo voisine.

En 2000, cette carrière a révélé d'autres richesses, enfouies depuis plus de 140 millions d'années. C'était le début d'une aventure humaine de presque 10 ans, d'une collaboration exceptionnelle entre l'entreprise Garandeau et les scientifiques pour mettre à jour et valoriser les fossiles paléontologiques issus de la carrière.

 

 

En savoir plus :

La découverte et les fouilles

Les recherches scientifiques en cours

Histoire géologique de Champblanc

Donation Garandeau au Musée d'Angoulême


Remerciements à Joane Pouech et Jean-Michel Mazin pour leur contribution à ces pages. Crédits photos : PaléoAquitania.


DERNIERE NOUVELLE: Joane Pouech, Docteur en paléontologie

Joane Pouech, principale collaboratrice de Jean Michel Mazin sur les fouilles de la carrière de Cherves, a soutenu sa thèse de doctorat avec succès à Lyon le 12 décembre 2008.
Le travail réalisé sur la POSITION DES MAMMIFERES DANS LES ECOSYSTEMES MESOÏQUES D'EUROPE a été unanimement salué par le jury, qui a considéré les recherches effectuées à partir des micro-restes retrouvés dans la carrière comme faisant avancer la connaissance en paléontologie de façon extrêmement significative.
Lire le communiqué de presse (pdf)


La carrière de gypse de Garandeau située à Cherves de Cognac est aujourd’hui connue des paléontologues du monde entier.

Pour l’entreprise, la rencontre avec Jean-Michel Mazin, Directeur de Recherche au CNRS, et Jean-François Tournepiche, Conservateur au Musée d’Angoulême, a été déterminante.
Depuis 2001, chaque été, une campagne de fouilles est menée sous la direction du paléontologue. Une vingtaine d'étudiants sont présents sur le site.


Os fossilisé


Campagne de fouilles 2007


Restes fossilisés


La lagune de Champblanc présente une histoire complexe alternant des périodes d’influence marine et d’influence continentale (eau salée et eau douce), le tout entrecoupé de périodes d’assèchement ayant provoqué le dépôt de gypse. Presque tous les dépôts marneux, qui se sont avérées être d’excellents conservateurs, contiennent des restes fossilisés de gros animaux essentiellement des crocodiliens, très nombreux mais également des restes de divers dinosaures, ptérosaures, tortues ainsi que poissons. Des micro-restes sont également recherchés dans toutes les couches afin de ne négliger aucun indice. Ce sont principalement des restes fossilisés de très petite taille, dents, écailles, retrouvés par lavage et tamisage des sédiments sur place.

"... Ces restes fossilisés traduisent une importante biodiversité puisque tous les grands groupes d’animaux vertébrés connus à cette époque sont retrouvés : poissons, requins, amphibiens, lézards, tortues, crocodiles, dinosaures, oiseaux et mammifères, ainsi que mollusques et crustacés. La carrière de Champblanc nous raconte donc, niveau après niveau, « page après page », l’histoire d’une lagune salée devenue lac d’eau douce, il y a 140 millions d’années Et comme presque tous les niveaux contiennent des fossiles, elle livre aussi des témoignages sur la vie de l’époque. " Jean Michel Mazin – Directeur de recherche du CNRS.


Garandeau met non seulement le site à disposition mais également engins et conducteurs pour déplacer les tonnes de marne et faciliter les fouilles. Les médias nationaux et internationaux viennent sur place chaque été.


Le groupe a récemment fait don au Musée d’Angoulême de l’intégralité de la collection dont il était propriétaire, afin que celle-ci soit accessible aux chercheurs et au plus grand nombre. Une trentaine de spécialistes européens travaillent actuellement sur ces découvertes : stratigraphes, sédimentologues, géochimistes paléontologues, écologistes, conjuguent leurs efforts vers un même objectif : décrypter la série sédimentaire et reconstruire les environnements, climats et communautés vivantes de l’époque. Tous ces résultats seront diffusés dans des revues professionnelles spécialisées, dans des congrès, ainsi que dans une thèse de doctorat actuellement menée par Joane Pouech.



Crâne de crocodile


Cérémonie de donation octobre 2005

Extrait du discours prononcé par Alexander Garandeau lors de la cérémonie de donation au musée d'Angoulême - octobre 2006.

"...En s’installant à Champblanc il y a 136 ans, notre aïeul ne pensait certainement pas qu’il acquérait ce qui allait devenir à la fois le site historique sur lequel l’entreprise a fondé son développement, et un site paléontologique vieux de quelques 135 millions d’années ! Depuis plusieurs années, nous vivons la période estivale, en totale collaboration avec des chercheurs passionnés et passionnants. La confrontation des deux mondes est étonnante à plus d’un titre : nos chargeuses dont les roues sont plus hautes qu’un homme, manieés par des conducteurs experts, déplacent des tonnes de marnes, pour que les équipes de Jean Michel Mazin trouvent des pièces qui parfois n’excèdent même pas le mm !
Le site est devenu une référence dans le monde entier. Si le nom Cognac l’était, le nom de Cherves de Cognac est en passe de le devenir, dans un univers certainement plus restreint, il est vrai.
De nombreuses visites sont organisées, la presse locale, nationale et scientifique est venue plusieurs fois. Et pendant cette période, la carrière poursuit son activité !
Nous sommes donc devenus, au fil des années, propriétaire d’une collection riche de plusieurs milliers de pièces qui vont de micro restes de vertébrés à des crânes de crocodiliens pholidosaurus et autres dents de crocodiliens goniopholis.
Elles sont aujourd’hui disséminées en France et en Europe à des fins d’étude. C’est je crois la troisième collection au monde de ce type.
Comme il était évident pour notre groupe de faciliter ce travail de recherche et de s’impliquer totalement dans la démarche, il nous a paru essentiel d’en faire profiter le plus grand nombre, et donc de le confier à ceux dont c’est le métier.
C’est pourquoi nous faisons don aujourd’hui de cette collection au Musée d’Angoulême en la personne de Jean François Tournepiche, lui aussi compagnon de route de cette aventure. Nul doute qu’il saura parfaitement mettre en valeur ces témoins de notre passé lointain.
"

 

Tamisage du sédiment à la recherche des micro-restes de vertébrés.

Machine expérimentale
pour tamiser le sédiment.


Les pépites de Champblanc

Paradoxalement, les découvertes les plus spectaculaires faites à Champblanc viennent des micro-restes de vertébrés, essentiellement des dents millimétriques charriées par les rivières.

Leur extraction demande un protocole particulier de lavage des sédiments au travers de tamis très fins, suivi d'un tri sous la loupe. Plus de 45 000 dents ont pour l'instant été extraites de 12 tonnes de sédiment. Un travail long et fastidieux, mais qui permet de révéler des richesses paléontologiques insoupçonnées.

Parmi ces micro-restes, on retrouve des dents de requins, poissons, amphibiens, lézards, crocodiles, dinosaures et même d'oiseaux et de mammifères. Ces derniers, qui vivaient dans l'ombre des dinosaures, étaient à l’époque de petits animaux poilus, guère plus gros que nos souris et musaraignes. Leurs restes sont rares en raison de leur petite taille et chaque découverte est un événement en soi. Leurs dents isolées sont de vraies petites pépites !

Dans le gisement de Champblanc, une quarantaine de dents mesurant environ un demi-millimètre ont permis de mettre en évidence au moins 6 espèces différentes de ces petits mammifères. Plusieurs publications scientifiques sont en cours, valorisant la diversité de ces micro-restes.

Un "paléo-thermomètre" chimique

L'oxygène que nous respirons ou ingérons dans l'eau de boisson existe sous plusieurs formes atomiques dans la nature. Ce sont des "isotopes stables" appelés 16O (le plus abondant), 17O (très rare) et 18O (environ 0,2%). Or, le rapport entre 16O et 18O (appelé gamma 18O) est intimement dépendant de la température.

Par ailleurs, l'hydroxyapatite est un phosphate de calcium constituant principal des os et des dents. C'est une molécule très solide qui peut traverser des millions d'années sans se modifier, surtout dans l'émail dentaire fortement minéralisé. Caractéristique importante aux yeux des géochimistes et des paléontologues, car l'oxygène qu'elle contient y est piégé et conservé dans son état initial. Le gamma 18O mesuré dans l'émail dentaire reflète donc la température à laquelle la dent a été formée. Un "paléo-thermomètre" très précis, qui nous renseigne aussi bien sur la température de l'eau et les climats que sur la température corporelle des animaux.

Les premiers résultats confirment un climat globalement chaud et aride, et montrent que les petits mammifères de l'époque possédaient déjà une température corporelle élevée et stable.

Image : Reconstitution 3D d'une dent de mammifère Dryolestidae trouvée dans les sédiments de Champblanc - hauteur réelle : 1,3 mm.


Voir l’invisible grâce aux rayons X

Les dents sont de vrais trésors pour les paléontologues, car leur lente éruption enregistre jour après jour l'activité métabolique de l'animal, les variations de sa température corporelle, les stress environnementaux, et bien d'autres indices sur la vie de l'animal... Mais la difficulté consiste à discerner ces stries de croissance épaisses de quelques micromètres. Paradoxalement, le seul moyen d'observer des détails aussi petits à l'intérieur des dents est d'utiliser un synchrotron.

Celui de Grenoble, l'un des plus performants au monde, est un anneau de 800 m de circonférence qui génère des rayons X aux propriétés physiques particulières et suffisamment puissants pour traverser des fossiles fortement minéralisés. En scannant en 3D (tomographies) les micro-dents du gisement de Champblanc, nous avons pu déceler ces stries de croissance et évaluer le métabolisme de ces animaux. Ainsi, les petits mammifères avaient une température corporelle élevée et parfaitement régulée, plus stable que celle des petits dinosaures, alors que l'activité des crocodiles variait avec la température ambiante.

Image : Dans le synchrotron, une micro-dent est placée au sommet d'un portoir, prête à être scannée. Le faisceau laser (en rouge) matérialise le trajet des rayons X (invisibles).

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La découverte du site et les fouilles

Histoire géologique de Champblanc

Donation Garandeau au Musée d'Angoulême


Remerciements à Joane Pouech et Jean-Michel Mazin pour leur contribution à ces pages. Crédits photos : PaléoAquitania.


 

   

Découverte du site

Dans les années 70, à la faveur de l'extension de la carrière de Champblanc, des paléontologues amateurs intensifient leurs recherches de fossiles sur le site.

Certaines de ces fouilles aboutissent à la découverte de specimens importants. A la fin des années 90, Thierry Lenglet, un de ces amateurs éclairés, entre en contact avec Jean-François Tournepiche, Conservateur du Musée d'Angoulême, puis avec le laboratoire de paléontologie de l'université de Poitiers. Suite à cette rencontre, il est décidé de mener une première campagne de prospection des niveaux marneux de la carrière, qui surmontent les couches de gypse.

Cette première campagne révèle des trésors : restes de crocodiliens, dinosaures, poissons, requins, tortues... sans parler des restes millimétriques par milliers, obtenu par lavage et tamisage des sédiments.

Photo : dent du crocodilien Goniopholis (hauteur 4 cm)

   


Début d'une collaboration exemplaire

Ces premières découvertes achèvent de convaincre les scientifiques de la valeur du site et de l'intérêt d'y programmer une opération de fouilles de grande envergure. Cela nécessite l'accord de l'entreprise Garandeau, propriétaire de la carrière, car les restes paléontologiques, contrairement aux restes archéologiques, ne sont protégés par aucune loi.

Mais nul besoin de loi entre des hommes de bonne volonté ! En 2000, il ne faut que quelques minutes à Jean-Michel Mazin, Directeur de recherche au CNRS, pour convaincre Alexander Garandeau de l'intérêt des fouilles qu'il propose d'organiser dans la carrière de Champblanc.

C'est le début de sept années de fouilles, sept années de cohabitation amicale entre chercheurs et carriers, dans le respect du travail de chacun, des contraintes de sécurité, mais aussi dans la bonne humeur et l'excitation des découvertes sur ce site qui va devenir une référence européenne.

 

   

Bilan des fouilles de Champblanc

17 campagnes de terrain, 372 jours de présence sur 7 ans soit plus de 4400 journées de travail cumulées pour 157 fouilleurs et chercheurs.

Plus de 2000 restes de crocodiles, dinosaures, ptérosaures, poissons extraits du site.

18 tonnes de sédiments prélevées, traitées, lavées et tamisées, livrant des dizaines de micro-restes.

En 2008, le congrès international "Mid Mesozoic Life and Environments", tenu à Cognac, conclut l'opération de terrain. Depuis, une vingtaine de chercheurs de plusieurs pays travaillent sur les données extraites de Champblanc.

23 publications scientifiques, 29 communications en congrès, 21 diplômes et mémoires universitaires valorisent les découvertes faites sur le site, dont une thèse de doctorat en paléontologie entièrement dédiée à Champblanc : "Position des mammifères dans les écosystèmes mésozoïques d'Europe : le site de Cherves de Cognac (Berriasien, Charente, France)" soutenue en 2008 par Joane Pouech, chercheuse sur le site, avec le soutien financier du Groupe Garandeau.

Enfin, 21 conférences publiques, 1 exposition itinérante et 2 malettes pédagogiques participent à la vulgarisation du savoir scientifique issu du site.

Un bilan exceptionnel !

 


 

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Recherches scientifiques issues de Champblanc

Histoire géologique de Champblanc

Donation Garandeau au Musée d'Angoulême

 
Remerciements à Joane Pouech et Jean-Michel Mazin pour leur contribution à ces pages. Crédits photos : PaléoAquitania.

 

 

Lorsque les roches parlent...

Les premières datations, à partir de microfossiles présents dans les couches, indiquent que ces dépôts se sont constitués à la fin du Jurassique, voici environ 145 millions d'années, en plein milieu de l'époque des dinosaures. 

L'europe est alors un archipel d'îles plus ou moins vastes. Depuis quelques millions d'années, un abaissement généralisé du niveau des océans a provoqué un retrait des mers et la région de Cognac, initialement recouverte par une mer peu profonde, s'est retrouvée exondée. En se retirant, la mer a laissé derrière elle d'immenses lagunes d'eau salée. La carrière de Champblanc est creusée dans une de ces lagunes.

Sur 43 mètres de hauteur, 81 couches de gypse, d'argile, de marne et de calcaire se succèdent, empilées comme les pages d'un livre. Et chaque couche, par son aspect, sa composition, son contenu fossile, raconte une page de l'histoire de cette ancienne lagune.

Sous l'effet de l'évaporation, l'eau de ces lagunes s'est concentrée en sels, qui ont fini par cristalliser et se sont déposés en bancs de gypse, aujourd'hui exploités.

Puis les rivières ont progressivement dessalé la lagune et déchargé des sédiments continentaux et des restes d'animaux. Ce sont les couches d'argile et de marne qui surmontent le gypse. Rivières et terre ferme étaient alors occupées par une faune diversifiée, sous un climat plutôt chaud et aride.

À la fin du cycle, les niveaux les plus élevés composés de calcaires blancs lacustres montrent que l'ancienne lagune salée était devenue un lac d'eau douce.

Photo : Falaise de la carrière de Champblanc montrant la succession des différentes couches de sédiment.

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Les recherches scientifiques issues de Champblanc

Donation Garandeau au Musée d'Angoulême


Remerciements à Joane Pouech et Jean-Michel Mazin pour leur contribution à ces pages. Crédits photos : PaléoAquitania.